Baye Tiazan Daniel Bah : l’entrepreneur ivoirien qui mise sur le durable dans l’agro-industrie

En Côte d’Ivoire, un jeune entrepreneur se fait remarquer par son engagement en faveur du développement durable et de l’innovation dans la filière agro-industrielle. Baye Tiazan Daniel Bah, fondateur de SAKA Group et du projet Charb'Cocoa, incarne une nouvelle génération de leaders éco-responsables. Son parcours personnel et professionnel l’a conduit à créer des initiatives mêlant agriculture locale, énergie verte et impact social, avec en ligne de mire un objectif ambitieux : allier croissance économique, préservation de l’environnement et autonomisation des communautés rurales. Cet article retrace son itinéraire, la genèse de SAKA Group, le développement du projet Charb'Cocoa et les enjeux et perspectives d’avenir de ces initiatives.

Baye Tiazan Daniel Bah, Saka Group et le Pari Agro-Industriel de Charb'Cocoa

Baye Tiazan Daniel Bah est un entrepreneur ivoirien passionné de développement durable, dont la vision s’est forgée autour de la valorisation des ressources locales et de la protection de l’environnement. Fort de son expertise dans le domaine agricole, il décide au début des années 2020 de se lancer dans l’entrepreneuriat en créant sa propre structure. Animé par la conviction que « chacun a droit à une alimentation saine dans un environnement préservé », il veut démontrer qu’il est possible de construire un modèle économique conciliant performance et responsabilité écologique.

Cette ambition se concrétise par la fondation de SAKA Group, une entreprise qui place « l’humain et la nature au cœur de son modèle économique ». Le parcours de Baye Tiazan Daniel Bah est jalonné de reconnaissances précoces qui viennent légitimer sa démarche. En 2024, il est lauréat de la Business Plan Competition de la CGECI Academy (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire) où il se voit décerner le prix dans la catégorie Énergie Renouvelable. Ce concours national dédié aux jeunes entrepreneurs distingue son projet pour son potentiel d’impact dans la transition énergétique. Baye Tiazan Daniel Bah gagne ainsi en visibilité au sein de l’écosystème entrepreneurial ivoirien, confortant sa vision entrepreneuriale centrée sur l’innovation durable et l’autonomisation des producteurs locaux.

La création de SAKA Group : une entreprise aux ambitions durables

Fondée par Baye Tiazan Daniel Bah, SAKA Group est née de la volonté d’apporter des solutions concrètes aux défis alimentaires et environnementaux de la Côte d’Ivoire. La devise de l’entreprise – « Une nourriture saine dans un environnement sain » – reflète ses objectifs stratégiques. SAKA Group évolue sur deux secteurs d’activité complémentaires : d’une part la promotion d’une agriculture locale de qualité, et d’autre part le développement d’énergies renouvelables à partir de déchets agricoles. En pratique, le groupe s’est d’abord investi dans la production et la commercialisation d’un riz ivoirien de qualité, afin de contribuer à la souveraineté alimentaire du pays tout en valorisant les filières locales. D’autre part, SAKA Group a lancé le projet Charb'Cocoa, une innovation qui convertit les résidus de cacao en charbon écologique. Cette double approche permet à l’entreprise d’allier nutrition, transition énergétique et développement rural, en cohérence avec sa mission initiale.

Basée à Oumé, au cœur d’une région agricole de la Côte d’Ivoire, SAKA Group bénéficie d’une présence géographique stratégique. Oumé est en effet située dans une zone cacaoyère, ce qui facilite l’accès aux matières premières pour Charb'Cocoa, tout en étant une région propice à la culture vivrière. L’entreprise place la responsabilité sociale et environnementale au centre de sa culture d’entreprise, affirmant aspirer à « un futur où croissance économique, justice sociale et écologie avancent ensemble ». SAKA Group s’appuie sur les communautés locales et travaille en partenariat avec des coopératives de petits producteurs – notamment des coopératives féminines – pour ses approvisionnements, illustrant sa philosophie participative. Grâce à cette approche intégrée, la jeune entreprise a su rapidement se distinguer sur la scène nationale comme un modèle d’entrepreneuriat durable.

Charb'Cocoa : innover dans la filière cacao avec un charbon écologique

Le projet Charb'Cocoa constitue l’initiative phare de Baye Tiazan Daniel Bah et de SAKA Group. Lancé à Oumé, Charb'Cocoa apporte une solution novatrice à la fois énergétique, écologique et socio-économique. Le concept est simple en apparence : récupérer les déchets de la filière cacao – en particulier les cabosses de cacao vides – et les transformer en charbon bio utilisable pour la cuisson domestique ou industrielle. Concrètement, après l’extraction des fèves de cacao, les coques et parties fibreuses des cabosses (représentant 70 à 80 % du poids du fruit) sont généralement considérées comme des déchets. Souvent, ces résidus sont jetés en tas ou brûlés dans les plantations, ce qui dégage du méthane et du CO₂ et peut propager des maladies. Charb'Cocoa propose de donner une seconde vie à cette biomasse abondante : les cabosses sont collectées puis carbonisées par pyrolyse pour produire un biochar, un charbon écologique à haute valeur énergétique. Le produit fini se présente sous forme de briquettes ou de charbon en poudre, utilisables dans les fourneaux et foyers à la place du charbon de bois traditionnel.

Les avantages de cette innovation sont multiples. Sur le plan environnemental, Charb'Cocoa contribue à la lutte contre la déforestation galopante liée à la production de charbon de bois. Rappelons que la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao avec environ 2 millions de tonnes par an, a perdu près de 75 % de son couvert forestier en 50 ans (passant d’environ 16 millions d’hectares de forêts vers 1960 à moins de 3 millions d’hectares aujourd’hui). En substituant du charbon vert aux combustibles ligneux, l’initiative aide à préserver les forêts restantes. Chaque kilo de charbon Charb'Cocoa utilisé est autant de bois qui n’est pas coupé. D’après les estimations de SAKA Group, la production actuelle – encore modeste – de Charb'Cocoa (2 tonnes de charbon écologique par mois) permet déjà d’épargner plus de 360 arbres par an et d’éviter la consommation d’environ 144 tonnes de bois chaque année. Par ailleurs, le biochar de cabosse se consume en émettant très peu de fumée, ce qui réduit les pollutions de l’air intérieur et les risques sanitaires pour les usagers. Ce point est crucial quand on sait que 70 % des ménages ivoiriens cuisinent au charbon de bois, une pratique qui contribue à la déforestation et expose des millions de personnes à des fumées nocives. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la pollution de l’air due aux feux de bois et charbon cause 4,6 millions de décès prématurés par an dans le monde, dont 2,3 millions d’enfants en bas âge, la fumée étant devenue la 2ème cause de mortalité en Afrique après le paludisme. En offrant une alternative plus propre, Charb'Cocoa adresse donc un enjeu de santé publique en plus de l’enjeu écologique.

Sur le plan économique et social, Charb'Cocoa s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire locale. La matière première est collectée directement auprès de coopératives de femmes à Oumé, ce qui génère une source de revenu additionnelle pour ces communautés rurales et renforce leur autonomisation. Plutôt que de laisser pourrir ou brûler les cabosses dans les plantations, celles-ci deviennent une ressource monétisable. Le projet crée ainsi des emplois locaux tout en sensibilisant les producteurs aux pratiques durables. Le charbon vert obtenu est commercialisé localement auprès des ménages, des artisans et de petites entreprises, à un prix compétitif. En effet, des expériences pilotes ont montré que le coût de production d’un kilogramme de charbon de cabosse avoisine 150 FCFA, contre environ 300 FCFA pour le charbon de bois classique. Cette compétitivité prix laisse augurer un fort potentiel de pénétration du marché, d’autant que le pouvoir calorifique et la qualité du biochar sont au rendez-vous.

L’impact et le caractère innovant de Charb'Cocoa n’ont pas tardé à être reconnus publiquement. En juin 2025, l’entreprise a remporté la 6ème édition du concours Golden Impact, un événement national mettant en lumière les start-up à fort impact. Charb'Cocoa, décrite comme une « jeune entreprise fondée par Baye Tiezan Daniel Bah » et distinguée pour « sa démarche innovante dans la transformation locale du cacao », a convaincu un jury de professionnels par son intérêt écologique et socio-économique. Le projet a reçu le Grand Prix “Golden African Performance”, assorti d’une dotation de 3 millions FCFA et d’un accompagnement stratégique par la Fondation Atlantic Group. Cette récompense, obtenue au Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan devant plus de 1000 participants, consacre Charb'Cocoa comme « un projet d’intérêt national » dans le contexte ivoirien. Baye Tiazan Daniel Bah s’impose ainsi comme un leader inspirant du développement durable en Côte d’Ivoire, faisant rayonner les valeurs éco-responsables de son entreprise au-delà du cercle des initiés. Son exemple commence déjà à faire école et à inspirer d’autres acteurs de la filière cacao à emprunter la voie de l’innovation écologique

Enjeux, défis et perspectives d’avenir

Malgré ses succès prometteurs, Baye Tiazan Daniel Bah reste confronté à d’importants enjeux pour pérenniser et faire grandir ses initiatives. Le premier défi est celui du changement d’échelle. Si la technologie Charb'Cocoa a fait ses preuves à petite échelle (avec quelques tonnes produites par mois), il s’agit désormais d’augmenter la capacité de production pour répondre à une demande potentielle très élevée. En Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest, le marché des combustibles de cuisson est colossal : l’essentiel des ménages, et de nombreux professionnels de l’agro-industrie (transformation alimentaire, séchage de produits, etc.), dépendent encore du bois et du charbon traditionnel. Réussir à fournir une quantité suffisante de charbon bio tout en maintenant la qualité et le faible coût sera déterminant. L’appui d’investisseurs et de partenaires sera sans doute nécessaire pour financer de nouvelles unités de production de biochar, multiplier les sites de collecte de déchets de cacao et structurer la distribution à grande échelle. La récente entrée de Charb'Cocoa dans un programme d’accélération via la Fondation Atlantic Group est de bon augure à cet égard, car elle pourrait ouvrir l’accès à des financements et à un mentorat pour accompagner la croissance de l’entreprise.

Un autre enjeu majeur réside dans l’adoption du produit par les utilisateurs finaux. Il faudra convaincre les consommateurs que le charbon écologique est une alternative fiable et avantageuse par rapport au charbon de bois auquel ils sont habitués. Cela passe par des campagnes de sensibilisation sur les bénéfices en termes de santé (réduction des fumées toxiques) et sur les performances de cuisson. Les pouvoirs publics et les organisations environnementales pourraient jouer un rôle de soutien en promouvant ce type d’énergie propre. D’ores et déjà, l’initiative s’inscrit dans le cadre plus large des efforts nationaux de lutte contre la déforestation et le changement climatique – tels que le mécanisme REDD+ auquel la Côte d’Ivoire adhère depuis 2011 – ce qui pourrait faciliter des partenariats publics-privés.

Par ailleurs, la concurrence et la reproduction du modèle sont à surveiller. Charb'Cocoa n’est pas la seule à explorer la valorisation des résidus agricoles en énergie. Dans l’est du pays, par exemple, la coopérative Farmers’ Hope (FAHO) s’est engagée dans la fabrication de charbon vert à partir de cabosses de cacao, montrant que l’idée fait son chemin auprès d’autres communautés rurales. L’émergence de ces initiatives est globalement positive pour l’environnement, mais impliquera pour SAKA Group de garder une longueur d’avance en termes de technologie et de réseau de distribution afin de s’imposer comme un acteur incontournable. Baye Tiazan Daniel Bah pourra capitaliser sur son statut de pionnier et sur la qualité reconnue de son charbon (« charbon bio de haute qualité » selon l’Agence Côte d’Ivoire PME) pour bâtir une marque forte.

Les perspectives d’avenir pour Baye Tiazan Daniel Bah et ses projets sont encourageantes. Du côté de SAKA Group, l’objectif est de renforcer le modèle intégré agroalimentaire et énergie propre. L’expérience acquise avec Charb'Cocoa pourrait être étendue à d’autres filières agricoles : le procédé de carbonisation pourrait s’appliquer à d’autres résidus comme la balle de riz, les coques d’anacarde (noix de cajou) ou les tiges de coton, autant de déchets abondants en Côte d’Ivoire. Une diversification dans ces domaines permettrait de multiplier les impacts positifs et de toucher d’autres régions du pays. Sur le plan agroalimentaire, SAKA Group pourrait intensifier la promotion du riz local et de produits nourriciers sains, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire tout en réduisant l’empreinte carbone des importations.

Enfin, l’initiative de Baye Tiazan Daniel Bah revêt une dimension exemplaire qui dépasse le cadre de son entreprise. Elle montre qu’il est possible pour de jeunes entrepreneurs africains de répondre aux défis globaux (changement climatique, sécurité énergétique, pauvreté rurale) par des solutions locales innovantes. Son parcours et celui de Charb'Cocoa suscitent l’intérêt tant du grand public que des investisseurs sensibles aux critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et des professionnels de l’agro-industrie en quête de durabilité. Dans un pays où la filière cacao est vitale pour l’économie (40 % de la production mondiale) mais doit se réinventer face aux contraintes environnementales, de telles initiatives apportent une lueur d’espoir. Baye Tiazan Daniel Bah et SAKA Group se positionnent ainsi comme des acteurs clés de la transition écologique en Côte d’Ivoire, prouvant que l’on peut « allier le progrès économique, écologique et social ». Le défi est désormais de transformer cet essai à plus grande échelle, afin qu’un plus grand nombre profite des retombées positives et qu’un cercle vertueux s’installe durablement dans la filière cacao et au-delà.

Sources : Baye Tiazan Daniel Bah – Charb’Cocoa (site officiel) charbcocoa.com; CGECI (Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire); Agence Ecofin; Neema Media; Abidjan.net/APA; Magazine Le Coopérateur

Mohamed Diaby